USA. An 2054. Plus aucun crime n’est commis dans la capitale américaine. Tout le monde dort tranquille grâce à un système de prévention-détection-répression particulièrement efficace.
Au sein du Ministère de la Justice, la Précrime, une unité policière ultra-secrète, se charge en effet de prévenir les meurtres. C’est simple : des experts pré-cognitifs captent les signes précurseurs des violences homicides, adressent leurs visions à des ordinateurs qui les compilent et les transmettent à des agents chargés de l’arrestation des futurs-coupables avant même qu’ils commettent quoi que ce soit.Jusqu’au jour où John Anderton (Tom Cruise) qui y travaille, découvre que le prochain coupable virtuel… c’est lui. Branle-bas de combat… Il devient clandestin, enquête… et apprend finalement qu'il peut arriver que les experts ne s'accordent pas tous sur les visions perçues. Dans ce cas là, un rapport minoritaire est rédigé...
On connaît tous Minority Report, l’excellent film de Spielberg adapté de la géniale nouvelle de Philip K. Dick.
Bouquin dit de science-fiction…
Sauf que…
France. An 2007. 28 novembre. Le Ministre de la Justice présente au Conseil des ministres un projet de loi dont seront saisis les députés le 18 décembre prochain. Un projet de loi qui prévoit la création, dans notre droit pénal, de la « rétention de sûreté »...
Tel que présenté par le garde des Sceaux : « Le premier objectif de ce projet de loi, élaboré conjointement avec le ministère chargé de la Santé, est de permettre de retenir dans des centres fermés les auteurs de crimes pédophiles condamnés à quinze ans de réclusion ou plus lorsqu’ils restent particulièrement dangereux et présentent un risque très élevé de récidive à l’issue de leur peine de prison ».
Cette mesure « pourra également être prononcée à l’égard des personnes qui se sont soustraites aux obligations (port du bracelet électronique, injonction de soins…) pouvant désormais être imposées aux détenus qui restent dangereux, après la fin de leur peine ».
La rétention de sûreté pourra être prononcée pour une durée d'un an, avec possibilité de renouvellement, par une juridiction spéciale, après avis d'une commission composée d’experts et de psychiatres chargés d’établir le degré de dangerosité de la personne.
On croit rêver tellement on change de dimension !!!
Aujourd’hui, les personnes qui sont emprisonnées le sont parce qu’elles sont suspectées d’avoir commis des crimes qui ont effectivement eut lieu ou parce qu’elles ont été jugées coupables et condamnées sur la base de faits réels. Eventuellement, la liberté des certaines personnes est aménagée et restreinte mais, toujours, dans le cadre de l’exécution de leurs peines…
Avec cette loi, il s’agit désormais d’emprisonner des personnes qui ont été jugées, condamnées et qui, une fois leur peine purgée (cad une fois leur dette à la société acquittée), sont suspectées de pouvoir, dans l’avenir, potentiellement, à nouveau commettre des crimes. Bref, emprisonner des personnes en fonction de prédispositions hypothétiques à commettre des infractions qui, au stade où la décision d’incarcération est prise, sont totalement VIRTUELLES !!
Qu’il s’agisse de s’attaquer aux pédophiles ne change rien à l’affaire. Ça pourrait même faire passer la pilule plus facilement à des Français à qui l’on présentera malhonnêtement à l’appui des faits divers atroces…
Le projet lui-même ne découle-t-il de l'affaire Enis, le petit garçon enlevé et violé en août 2007 à Roubaix (Nord) par un pédophile récidiviste ?
C’est donc cela, la justice de Sarkozy : un fait divers suffit à ce que l’on bouleverse les fondamentaux de notre droit.
Et demain ??? Pas besoin d’être extra-lucide pour deviner qu’à la moindre occasion il suffira d’ériger un crime particulier en cas exemplaire ou plus simplement de le présenter sous un jour particulièrement horrible (et tous les crimes sont odieux et atroces pour qui les subit) pour élargir la portée de cette « rétention de sûreté » à tous les meurtriers, terroristes, dealers, casseurs, incendiaires… potentiels.
Quand, en plus, on sait ce que pense notre Président de la génétique et des caractères innés… y aurait même moyen de s'y prendre très très tôt.