06/07/2007

Quelle diversité pour notre démocratie ?

En début d’année, TNS-Sofres réalisait pour le CRAN une enquête donnant une estimation du nombre de personnes de couleur noire (de plus de 18 ans) en France. On y apprenait également (et ce n’était pas le moindre des enseignements même s’il a été nettement moins médiatisé) que près des deux tiers disaient avoir subi racisme et/ou discrimination au cours de l’année passée.
Au moment de sa sortie, cette étude s'est inscrite dans une polémique lancée peu de temps auparavant sur les statistiques dites « ethniques » (mais aussi religieuses). On compte ? On compte pas ? Avec finalement un avis rendu par la CNIL. Sibyllin. Que peut/doit-on faire ou pas et pourquoi ? Personnellement, j’ai pas tout compris.

De leur côté, ces toutes dernières années, les entreprises se sont montrées de plus en plus intéressées par le « marketing ethnique ». Et des segments de marché semblent se dessiner qui paraissent effectivement « porteurs ».
La grande distribution intègre des linéaires kasher ou halal comme elle fait un rayon bio. L’Oréal complète ses gammes cosmétiques avec des produits pour cheveux crépus ou peaux noires. Mercurochorme met sur le marché des pansements « pour peaux mates et bronzées ».
Mardi dernier, la Société générale annonçait encore le lancement d’une série de produits financiers respectant la loi coranique…

Un des grands débats actuels de notre démocratie est de savoir comment intégrer aux principes et aux valeurs qui la fondent, la diversité des cultures qui s’y développe et contribue à sa richesse.
Dans sa façon de se construire, durant le 19ème et 20ème siècle, la France a fait le choix de procéder par abstraction des différences.
Pour davantage de liberté et d’égalité.
Tout un système institutionnel (éducation, santé etc. etc.) a donc été élaboré selon ce principe, permettant d’émanciper les individus de leur condition naturelle, leur ouvrir le champ des possibles, leur conférer davantage de pouvoir…
C’était une dynamique de modernité, une dynamique de progrès.
Mais c’était aussi une sorte de destruction créatrice qui, aujourd’hui, nous laisse individuellement plutôt content mais collectivement perplexe. Une dynamique qui a fait muter la société et en a sapé des bases connues et reconnues (l'école laïque par ex), et demande à présent à les réinventer.
Parce qu’aujourd’hui, le pouvoir individuel réclame de plus en plus fortement la reconnaissance des identités autrefois transcendées.
Parce que, dans le même temps (et ceci, indépendamment de l’observation précédente), un dangereux écart se creuse entre le rappel incantatoire de valeurs universalistes faisant abstraction des différences et la persistance de discriminations qui en sont la négation.

Alors, plusieurs questions/défis :

Jusqu’où aller dans la reconnaissance à accorder aux identités, aux différences ? (on voit déjà qu’il y a sans doute du boulot sur les termes).

Que vaut l'affirmation des libertés de l'individu si une culture dominante lui dénie tout droit d’expression (sous diverses formes : langue, traditions mais aussi type de consommation) ?

Et comment éviter que l’on ne sacrifie le groupe à l’individu, en fragilisant l'espace public et en exposant le lien social aux dérives communautaristes (même si ce mot est devenu inapproprié par le dévoiement politique dont il est l’objet) ?

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