29/11/2007

Avec la "rétention de sûreté", la réalité de Sarkozy dépasse la fiction de Spielberg

USA. An 2054. Plus aucun crime n’est commis dans la capitale américaine. Tout le monde dort tranquille grâce à un système de prévention-détection-répression particulièrement efficace.
Au sein du Ministère de la Justice, la Précrime, une unité policière ultra-secrète, se charge en effet de prévenir les meurtres. C’est simple : des experts pré-cognitifs captent les signes précurseurs des violences homicides, adressent leurs visions à des ordinateurs qui les compilent et les transmettent à des agents chargés de l’arrestation des futurs-coupables avant même qu’ils commettent quoi que ce soit.

Jusqu’au jour où John Anderton (Tom Cruise) qui y travaille, découvre que le prochain coupable virtuel… c’est lui. Branle-bas de combat… Il devient clandestin, enquête… et apprend finalement qu'il peut arriver que les experts ne s'accordent pas tous sur les visions perçues. Dans ce cas là, un rapport minoritaire est rédigé...

On connaît tous Minority Report, l’excellent film de Spielberg adapté de la géniale nouvelle de Philip K. Dick.

Bouquin dit de science-fiction
Sauf que…


France. An 2007. 28 novembre. Le Ministre de la Justice présente au Conseil des ministres un projet de loi dont seront saisis
les députés le 18 décembre prochain. Un projet de loi qui prévoit la création, dans notre droit pénal, de la « rétention de sûreté »...
Tel que présenté par le garde des Sceaux : « Le premier objectif de ce projet de loi, élaboré conjointement avec le ministère chargé de la Santé, est de permettre de retenir dans des centres fermés les auteurs de crimes pédophiles condamnés à quinze ans de réclusion ou plus lorsqu’ils restent particulièrement dangereux et présentent un risque très élevé de récidive à l’issue de leur peine de prison ».
Cette mesure « pourra également être prononcée à l’égard des personnes qui se sont soustraites aux obligations (port du bracelet électronique, injonction de soins…) pouvant désormais être imposées aux détenus qui restent dangereux, après la fin de leur peine ».
La rétention de sûreté pourra être prononcée pour une durée d'un an, avec possibilité de renouvellement, par une juridiction spéciale, après avis d'une commission composée d’experts et de psychiatres chargés d’établir le degré de dangerosité de la personne.

On croit rêver tellement on change de dimension !!!
Aujourd’hui, les personnes qui sont emprisonnées le sont parce qu’elles sont suspectées d’avoir commis des crimes qui ont effectivement eut lieu ou parce qu’elles ont été jugées coupables et condamnées sur la base de faits réels. Eventuellement, la liberté des certaines personnes est aménagée et restreinte mais, toujours, dans le cadre de l’exécution de leurs peines…
Avec cette loi, il s’agit désormais d’emprisonner des personnes qui ont été jugées, condamnées et qui, une fois leur peine purgée (cad une fois leur dette à la société acquittée), sont suspectées de pouvoir, dans l’avenir, potentiellement, à nouveau commettre des crimes. Bref, emprisonner des personnes en fonction de prédispositions hypothétiques à commettre des infractions qui, au stade où la décision d’incarcération est prise, sont totalement VIRTUELLES !!

Qu’il s’agisse de s’attaquer aux pédophiles ne change rien à l’affaire. Ça pourrait même faire passer la pilule plus facilement à des Français à qui l’on présentera malhonnêtement à l’appui des faits divers atroces…
Le projet lui-même ne découle-t-il de l'affaire Enis, le petit garçon enlevé et violé en août 2007 à Roubaix (Nord) par un pédophile récidiviste ?

C’est donc cela, la justice de Sarkozy : un fait divers suffit à ce que l’on bouleverse les fondamentaux de notre droit.
Et demain ??? Pas besoin d’être extra-lucide pour deviner qu’à la moindre occasion il suffira d’ériger un crime particulier en cas exemplaire ou plus simplement de le présenter sous un jour particulièrement horrible (et tous les crimes sont odieux et atroces pour qui les subit) pour élargir la portée de cette « rétention de sûreté » à tous les meurtriers, terroristes, dealers, casseurs, incendiaires… potentiels.

Quand, en plus, on sait ce que pense notre Président de la génétique et des caractères innés… y aurait même moyen de s'y prendre très très tôt.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

very good film, very bad president

y srait ben capable de nous la jouer grande bouffe ce soir côté pouvoir d'achat !

Anonyme a dit…

La comparaison est tentante, mais pas forcemment pertinente. Le projet de Dati est d'enfermer des personnes deja condamnées.
Cela ne signifie pas que ce n'est pas ignoble mais ce ne sont pas non plus des personnes juste suspectes.
Il faut, evidemment, protester. Inciter le conseil constit a virer ce texte etc...
En revanche, il faut un peu petit faire attention a notre louable intention d'exploser contre le sarkozysme, c'est parfois contreperformant. Même si c'est toujours aussi agréable, amusant et rafraichissant de vous lire, chère Lez.

Anonyme a dit…

Content de lire de tel post. Le démantelement de notre système judiciaire en cours actuellemet est très inquiétant et il faut savoir penser ses conséquences au long terme avec des images fortes.
Le risque sur ce p. de loi est que l'opinion laisse passer parce qu'on parle surtout des pédophiles mais le risque aussi c'est de se laisser allerà considérer comme Fresco et d'autres que des individus qui ont déjà été condamnés mais ont purgé leur peine resteront toujours pas vraiment innocents ou déjà un peu coupables de quelque chose. Quid du principe de responsabilité pénale ? voila une régression grave.
@+

Borné a dit…

Je découvre avec plaisir votre blog.

La comparaison avec Minority Report ne m'était pas apparue : j'avais plutôt assimilé la justice façon Sarkozy-Dati à un autre univers, égalemment cinématographique et tout aussi oppressant, celui d'Orange mécanique.

En effet, lorsque l'Etat répond à la violence par une violence légale immorale, le délinquant n'est plus un délinquant, c'est un martyre.

Et je ne crois pas qu'il soit de bonne et saine justice humaine que la justice deviennent aussi barbare que les faits qu'elle est chargée de juger et à juste raison réprimer.

Ce projet de loi est contraire tant à notre droit fondamental qu'aux accord internationaux de la France.

Une fois de plus...