12/11/2007

Mille petits bonheurs, une grande insatisfaction et un peu de douleur aussi

(ou comment Soeur Emmanuelle enfonce d'après moi Amélie Poulain)

Dans son dernier bouquin Mille et un bonheurs, voici ce que dit Soeur Emmanuelle (extraits tirés de La Vie, 08/11/07) :

" Sur fond de douleur et d'insatisfaction, il faut savoir apprécier et goûter les mille petits bonheurs très simples qui s'offrent dans le cours d'une journée, du matin au soir. Ils se présentent comme une éclaircie, comme des rayons de soleil perçant un ciel orageux. Ce sont des bonheurs à regarder comme le sourire d'un enfant, le visage d'une personne aimée, les branches du figuier qui ploient sous le poids des fruits mûrs; (…) des bonheurs à déguster comme la coupe de champagne et les profiteroles au chocolat qu'on m'a offertes le jour de mes quatre-vingt-dixhuit ans: des bonheurs à partager comme une conversation profonde. Une lecture agréable ou la rencontre d'un ami cher. (…) Je ne crois pas que nos mille petits bonheurs puissent totalement apaiser notre soif de bonheur, notre aspiration à une plénitude. Dans nos mille petits bonheurs, il manque toujours quelque chose. Rien n'est parfait sur terre. Nos mille petits bonheurs ont la fragilité des choses de ce monde. Nos mille petits bonheurs ne résistent pas à l'usure du temps. Nos mille petits bonheurs ne durent pas mais ils nous donnent la force d'affronter joyeusement les difficultés de l'existence. "

J'ai détesté La première gorgée de bière ou Amélie Poulain que je rapproche l'un de l'autre pour l'apologie que, précisément, ils font chacun à leur façon des petits bonheurs. J'ai vraiment profondément puissamment viscéralement détesté cette poésie des petites choses, cet épicurisme du petit bout de la lorgnette, au point d'être préemptoire, injuste et me délecter de la virulente diatribe de Kaganski qui portait le débat sur Amélie au niveau politique (ici).

Pourquoi tant de haine ?

Parce que (justement) je suis, je veux, j'essaie de toujours goûter ces mêmes bonheurs. Mais ce qui me gêne au point de me rendre dingue chez Delerm ou Amelie (Jeunet n'a pas fait que ça) c'est la cristallisation excessive que j'ai ressentie sur ces "petites" choses au point d'en évacuer le reste et en arriver à divertir l'homme de lui-même (en lui faisant croire le contraire en plus). La résignation, l'abdication presque. Le rétrécissement, le recroquevillement, la rabougratisation en tous cas (ouais, jsais, ça se dit pas).

Ce que j'ai lu des mille petits bonheurs de soeur Emmanuelle me va en revanche beaucoup mieux, car elle n'oublie pas de les replacer dans leur contexte, dans la vie. Elle n'oublie pas la douleur et l'insatisfaction. Sans condamner, culpabiliser ou victimiser. Elle n'oublie pas que notre condition humaine c'est aussi le fait que "dans ces mille petits bonheurs il manque toujours quelque chose". Et c'est très bien comme ça, car c'est cette soif inextinguible, produit d'une grande insatisfaction et d'un peu de douleur aussi, qui nous pousse à nous dépasser, changer, bousculer, nous révolter, inventer, construire, découvrir et bâtir des choses immensement plus grandes que nous.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

il manque toujours quelque chose

Anonyme a dit…

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