22/07/2007

Politiquement correct / incorrect ?

(Pour faire suite au post d’avant-hier sur l’homophobie).
J'entends souvent que le "politiquement correct" envahirait tous les discours. Qu’ils sont décidément loin les temps bénis de la subversion, de l’audace, de l’humour. Qu’on ne peut plus rien dire sur personne...

Faut tout de même replacer les choses dans leur contexte sans quoi on se trompe de direction dans la lutte contre l’obscurantisme.

Il y a peu (encore quelques décennies), ON (votre famille, votre église, votre parti, votre patron…) vous disait quoi dire, comment le dire, et même quoi lire et que comprendre…
L’histoire de l’individualisme (au sens sociologique) est celle de l’émancipation progressive de l’individu de toutes ces tutelles et héritages imposés. Grâce à l’élévation du niveau de vie et d’instruction. En en passant parfois par la lutte avec - effectivement - les armes de la subversion, de l’audace, de l’humour durement dirigées contre ces structures oppressantes.
On pense à mai 68 évidemment. Dans un tout autre registre et un peu plus tard à Coluche, Le Luron, Gainsbourg...

Grâce à l’accélération de tout ça, on se retrouve en 2007, à un moment où l’individu n’a probablement jamais été autant législateur de lui-même. Il a davantage le choix, peut personnaliser ses valeurs et s'exprimer plus librement. C’est un progrès fondamentalement démocratique.

Mais du coup, c'est vrai, on ne peut pas, aujourd’hui, dire n’importe quoi sur n’importe qui, quand ça nous pique ou qu’on a envie de se défouler. Parce que beaucoup plus de choses se jouent au niveau individuel, on se doit de prendre individuellement les responsabilités qui vont avec ce surcroît de pouvoir.
C’était sans doute plus excitant de choquer et foutre des coups de pieds dans le tas tous azimuts et ce fut utile, aussi, politiquement.
D'ailleurs, on peut en avoir encore besoin parfois.
Mais on ne peut pas placer un Laurent Gerra dans la lignée d’un Coluche ou Le Luron (comme le font certains dans l'affaire dont on a récemment parlée). La plupart du temps son humour est blessant, réac’ et ne suscite pas le meilleur chez ceux qui l’écoutent. Loin de là. Zéro utilité sociale et plutôt même de la nuisance.

Se situer dans l’équilibre, la subtilité et le pragmatisme responsable n’est pas une question d’autocontrôle ou de nouvelle norme imposée plus insidieusement. Ni même de sérieux ou de conformisme.
D'ailleurs, moi, ce que je constate, c’est que la plupart du temps, le soi-disant "politiquement incorrect" actuel ne prend pas de risques et offre un discours finalement consensuel. Et derrière ça, il est surtout implicitement dangereux dans la mesure où il tend à nous faire régresser dans notre responsabilité individuelle.

3 commentaires:

So a dit…

La question à se poser est de savoir si le "politiquement incorrect" - le vrai celui qui dénonce les travers de manière subtile et intelligente - existe encore.

Il m'est avis de dire non. Et pour cause si on regarde bien de nos jours, si on n'a ne serait ce que l'idée de toucher à un sujet épineux tout le monde monte au créneau en criant au scandale. Alors que dix anx plus tôt tout le monde riait à plein poumon et essayait de comprendre le message qui se cachait derrière la démarche.

Il est vrai que notre société a évolué vers un individualisme exacerbé, mais cela n'a eu pour conséquence qu'une régression de la tolérance.Notre société est pusillanime, alors comme on ne veut pas se faire taper sur les doigts, on ferme sa g**le.

Par contre, on se sert de "l'humour" - parce que je n'irai pas jusqu'à qualifier Mr Gerra d'humoriste, con oui, humoriste non - pour au contraire véhiculer des préjugés, des stéréotypes et autres. Mais de fait les gens qui rit à "l'humour" de Mr. Gerra vont se considérer comme large d'esprit puisqu'ils rient de tout. Et au contraire ceux qui voit bien l'insulte et l'outrage qui se cache derrière se font taxer d'esprit étroit prenant tout au premier degré.

L'humour engagé n'est plus et ce depuis longtemps. Il ne faut pas se leurrer on vit dans une société qui voue un culte au politiquement correcte.

On vit aussi dans une société bipolaire, individualiste mais pourtant bien formatée pour la propagande de masse. L'individu a tellement de liberté qu'il ne voit plus aucune raison d'élever la voix, surtout si cela risque de lui faire perdre quelque chose.

L'individu, lobotomisé par la 'culture télé', adopte donc la tolérance zéro, mais toujours en entretenant l'illusion d'une ouverture d'esprit - ouverture aussi grande qu'une serrure de porte. Et cette masse d'individus forme notre si 'belle et prometteuse' génération qui est docile pour ce qui est de marcher droit.

La liberté d'expression n'est plus ce qu'elle était. Big Brother n'est pas si loin, quand on voit que des propos homophobes peuvent être débités sans que cela ne choque plus que ça.

Il est vrai que l'individu a plus de choix. Et son choix premier est de se rallier à la masse, de suivre le courant et de considéré comme correct ce qui ne l'est pas.

D.H. Lawrence avait raison "La masse est toujours obcène, car elle est toujours manipulée."

Unknown a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Unknown a dit…

Pas sûre d’être ok ok et/ou de tout comprendre.
DH Lawrence, c'est bien, mais ça date un peu... entre temps, on a quand même inventé plein de trucs formidables comme l'école ou la démocratie ;-)) qui nous permettent quand même de dépasser les théories de Le Bon sur les foules et nous évitent aussi de vivre sous un régime théo/aristo/plouto/ ou auto/cratique...

La culture de masse a permis de tirer le plus grand nombre de l'illettrisme et d’aller même bien au-delà… Avant, y avait quoi ? Et pour qui ou combien ? La culture de masse est là… parce qu’historiquement elle est consubstantielle à l’avènement de la démocratie.
Aujourd’hui qu’est-ce qu’on veut : un retour à l’élitisme ou l’obscurantisme ou un approfondissement de cette démocratie ?

J’insiste sur l’individualisme. C’est un processus éminemment positif et nécessaire à cet approfondissement, qui nous met justement en passe de dépasser la culture de masse. On ne doit cependant pas feindre d’ignorer qu’il repose la question de la conversion collective des pouvoirs et de l’architecture institutionnelle à réinventer.
Le problème est que ceux dont c’est le boulot ont précisément tendance à prendre les gens pour des cons ou des bœufs (ou des moutons d’ailleurs). Que ce soit auto-créateur est autre chose. Mais je pense qu’on a beaucoup plus intérêt à miser sur l’intelligence des gens que sur leur haine, leur frustration ou leur peur de perdre.

Je suis d’accord sur « L'individu a tellement de liberté qu'il ne voit plus aucune raison d'élever la voix, surtout si cela risque de lui faire perdre quelque chose ».
Ce qui est grave c’est que cette « peur de perdre » sape progressivement les libertés qu’il a acquises sans même qu’il s’en rende compte…
Ce qui est grave, c’est que fustiger le politiquement correct aujourd’hui ne sert souvent à rien d’autre qu’à nourrir ça.
Ça revient à dire comme Sarkozy « Aujourd’hui, on ne peut plus rien dire sur rien. J’aimerais qu’on puisse parler d’immigration sans être traité de raciste etc. etc. ».
C’est aussi le discours de Le Pen : « dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas ».
Mais dire quoi ??? Sinon cette haine, cette agressivité ou ce mépris que nous avons tous en nous sans qu’il y ait aucun intérêt, au contraire, à le dire tout haut.
Ce qu’on appelle « politiquement incorrect » n’a aujourd’hui rien à voir avec une quelconque critique subtile, intelligente ou constructive des travers de notre société qui a plutôt raison de s’en émouvoir.
Aujourd’hui, on doit passer à autre chose…